Crée par le magicien Paul Philidor -ou Paul de Philipsthal- à la fin du 18e siècle, la fantasmagorie est un spectacle optique dont le nom reste associé au célèbre physicien aéronaute Etienne Gaspard Robertson. Présenté à Paris dès 1798, d’abord au pavillon de l’Echiquier, puis au couvent des Capucines près de la place Vendôme, son succès fut retentissant. L'apparition de figures lumineuses macabres ou diaboliques constituait une nouveauté et la foule se pressait à la rencontre des spectres...
plaque de fantasmagorie, fin 18e s. (coll. part.)
Un spectacle de peur
Introduit dans une salle obscure, le public avide d’émotions fortes était plongé dans une ambiance sonore terrifiante, assailli par des figures démoniaques, des fantômes sanglants, des squelettes gesticulants. Une iconographie historique et mythologique complétait ce répertoire, tout comme les portraits contemporains des grands acteurs de la révolution française -de Bonaparte à Robespierre-, parfois ressuscités sous forme de figures mouvantes projetées sur le fragile écran de fumée échappé d’une urne funéraire. Un spectacle délibérément macabre pour un public parisien contemporain des débordements de la Terreur révolutionnaire et de la littérature romantique et gothique. L’une des pièces maîtresse de ce répertoire n’était rien moins que la Nonne sanglante.
plaque de fantasmagorie à défilement, fin 18e s. (coll. part.)
Les vues de fantasmagorie
On voit donc que les plaques de fantasmagorie Illustrent des sujets effrayants : démons, squelettes, fantômes. Certaines sont animés : le squelette creuse sa tombe, les yeux du démon bougent, la machoire est articulée…
plaque de fantasmagorie articulée (coll. pariculière.)
Tous les sujets sont peints sur des plaques de verre encadrées de bois destinées à la projection, éventuellement dotées d’éléments en laiton articulés. Les fonds sont entièrement peints en noir pour isoler le personnage et lui permettre de « flotter » lors de la projection.
En effet, la particularité de la fantasmagorie par rapport au spectacle de lanterne magique traditionnelle réside dans la pratique de la rétroprojection sur un écran translucide qui dissimule le projecteur aux yeux du spectateur : les sujets semblent surgir du néant, face au public médusé par ce sortilège.
Le fantascope
L’appareil de projection utilisé en fantasmagorie est à la fois une lanterne magique et un mégascope. Le projecteur est situé non pas devant mais derrière l’écran, dans un espace ou opère librement le projectionniste. Mobile sur ses roues, l’appareil peut varier sa distance de projection à l’écran, ce qui permet d’agrandir ou rapetisser le sujet à volonté et donc de simuler son déplacement vers le public. La partie mégascope de l’appareil permet en outre la projection des corps opaques : parmi d’autres trésors, il reste ainsi dans les collections du musée des arts et métiers un fort joli squelette articulé de manière à soulever le couvercle de son tombeau...
Un spectacle banalisé
Au début du 19e siècle, la fantasmagorie se répand dans toute l’Europe, de Londres à Madrid, en Russie, et jusqu’en Amérique. Devenue une attraction populaire, elle intègre le programme des magiciens et physiciens itinérants, puis fait figure d’intermède sur les scènes des théâtres de province, de plus en plus souvent complétée par la projection de vues en fondu enchaîné et de chromatropes aux effets lumineux psychédéliques.
plaque de fantasmagorie à double effet, 19e s.(coll. part.)